Nous avions réservé cette traversée en cargo depuis un an et demi avec la compagnie Grimaldi, qui accepte une dizaine de passagers pour l’Amérique du Sud. A cette époque, la flotte avait été réduite à un cargo mensuel sur la traversée de l’Atlantique. De nouveau aujourd’hui, plusieurs cargos assurent ce service. Notre réservation définitive date d’octobre 2014 et depuis avril nous avons changé quatre fois de billet. Nous devions d’abord voyager sur le Grande Amburgo, ensuite sur le Grande Africa, puis le Grande Togo, pour enfin embarquer sur le Grande America. L’aventure avait déjà commencé et tous ces noms nous faisaient rêver… Enfin, il ne fallait pas trop rêver, car après nos 5 mois et demi en Islande, nous avions de nombreux aménagements à réaliser pour encore améliorer la vie à bord de notre cellule.
A Anvers, l’embarquement est très simple. Nous présentons notre billet à l’entrée du port et nous devons porter notre gilet jaune fluo comme tout personnel du port. Des milliers de véhicules attendent aussi l’embarquement. Notre cargo est impressionnant avec ses 41 m de haut, ses 215 m de long et sa rampe d’accès de 35 m de longueur. Après plusieurs heures d’attente sur le quai, nous emménageons dans notre cabine, mais notre véhicule ne trouvera sa place qu’au moment du départ deux jours plus tard quand le chargement du cargo sera terminé. Il a comme compagnon de voyage une machine agricole aux cornes proéminentes très proche de notre voiture. Avertis par de précédents voyageurs, nous vérifions l’accrochage de notre monture. Daniel, d’un léger coup de pied, fait sauter une sangle mal arrimée au sol et doit mettre les mains dans le cambouis pour sécuriser l’accrochage.
Le bricolage ne sera pas terminé pour lui. Les premiers jours, il remettra en état notre cabine, un peu laissée à l’abandon. La porte de notre armoire a une charnière cassée, pas de poignée, plus de clé, elle menace de tomber. Marion ne peut pas l’ouvrir. Le vérin de l’armoire à glace de la salle de bain est décroché et la porte bat de l’aile. Daniel trouvera la visserie nécessaire pour tout réparer, fabriquera des poignets avec du scotch, remettra en place le cache de l’aération trouvé au fond de l’armoire à l’aide d’un fil de fer récupéré dans la voiture ! Comme à la maison, il a nettoyé les hublots du salon où nous passons beaucoup de temps avec nos deux compagnons de voyage. Maintenant, nous nous sentons chez nous pour un mois de traversée.
Les repas rythment notre vie à bord : petit déjeuner de 7h à 9h, déjeuner à midi et diner à 18h comme dans une maison de retraite. Nous mangeons dans le mess des officiers italiens ; le personnel philippin prend ses repas dans un autre espace. Les menus sont personnalisés selon la culture : menus à base de riz pour les Philippins et pâtes à tous les repas pour les Italiens. Nos habitudes alimentaires seront chamboulées, et nous mangerons en un mois, plus de viande que dans une année entière ! Deux jeunes passagers partagent notre table, Luan, Brésilien et Ezechiel, Argentin. Nous avons déjà un pied sur le continent sud-américain.
Nous comprendrons, au fur et à mesure, qu’un voyage en cargo est plein d’imprévus. Nous ferons escale à Lisbonne qui n’était pas inscrite sur la feuille de route initiale.
Nous découvrons Lisbonne et ses rues piétonnes. Elles sont pavées de petites pierres carrées blanches et noires dessinant des arabesques. Extrêmement lustrées par les ans, elles donnent l’impression qu’il vient de pleuvoir sous les lumières du soir. « Nous avons les mêmes au Brésil » nous dit Luan.
Fin de la soirée dans les rues pentues de Lisbonne, dans un petit resto-bar à bière. Toutes les tables sont occupées. Najet, Marocaine, nous entend parler français et nous propose de partager sa table. Elle a passé toute son enfance à Anvers. Journaliste à Bruxelles, elle est spécialisée dans le moyen-orient et l’Afrique du Nord. Assez déprimant, dit-elle. Nous n’insistons pas, elle est en vacances. Jubilation de ces moments partagés, avec des rencontres du hasard dans des lieux inconnus. En espagnol la retraite se dit : « jubilation » ! Très intéressée par notre vie de voyageur, Najet nous promet de nous suivre sur notre blog. Nous échangeons nos cartes de visite. De retour au bateau, nous trouvons la rampe d’accès relevée ! Il est minuit passé de 5 minutes. Nous n’étions pas avertis. Mais Daniel repaire une petite porte sur le côté. Une agitation règne encore dans la cale. De gros camions ont été montés. Ezequiel nous accueille tout excité. La rampe a été abimée. Le capitaine est fou de rage ! Nous comprenons que le cargo est descendu de 2 mètres avec la marée et que la rampe a entamé le bord du quai. Il faudra regarder demain si elle a quelque dommage. Finalement il y a eu plus de peur que de mal, reste quand même un gros gnon à la rampe !
Le surlendemain autre mésaventure : l’équipage refait les peintures sur les ponts. Vers 13h, alors que nous sommes en train de boire notre café, le bateau se penche violemment sur le côté, des objets tombent dans la cuisine. Que se passe-t-il ? Le bateau ne se balance pas comme sur une mer forte, mais reste dans cette position inclinée. Il y a du vent, certes mais pas au point d’incliner le cargo de la sorte. Marion pense à son ordinateur posé sur le bureau de la cabine. Tout est en ordre. Mieux vaut tout ranger. De l’eau serait-elle rentrée par la rampe abimée ? Allons-nous vivre un nouveau Titanic ? Ezequiel, qui parle italien, s’informe auprès de l’équipage : un radeau de sauvetage est tombé à la mer pendant les travaux et le cargo fait demi-tour brusquement dans l’espoir de le repêcher. Nous espérions un reportage loufoque : « Sauvetage du radeau de sauvetage sur le Grande America au large de la côte mauritanienne ». Mais en vain. Décidément le capitaine va avoir beaucoup de compte à régler avec la compagnie ! Un jour, c’est un début d’incendie qui anime la soirée : une odeur de cramé suivi de l’alarme : FIRE clignote en rouge. Puis cavalcade dans le couloir d’officiers en file indienne, talky-walky à la main, munis d’extincteurs. « Don’t worry. C’est le nouveau générateur, c’est souvent comme cela à la première utilisation »
Dakar est la hantise des marins à cause des clandestins. Nous sommes en Afrique et, même si l’accès au port est réglementé, des marchands de bibelots et de cartes de téléphone tentent leur chance auprès de l’équipage. Nous ne verrons cette scène dans aucun autre port. Nous ne pouvons pas circuler sur le cargo comme d’habitude, tous les étages sont cadenassés.
Nous visiterons peu les villes où nous ferons escale : Lisbonne, Dakar, au Brésil : Vitoria , Rio de Janeiro et Santos, en Argentine : Zarate . Les heures d’arrivée ne nous le permettront pas toujours. La nuit tombe de bonne heure dans ces contrées de l’hémisphère Sud. L’heure de départ n’est jamais celle prévue et nous passerons la journée sur le cargo, alors que nous aurions eu le temps de faire du tourisme. A Vitoria l’occasion s’est présentée. Pour rejoindre la ville, nous avons traversé le Rio Santa Maria à rames, dans une barque au milieu des gros navires. Bienvenue en Amérique Latine…
Du haut de nos 30 mètres, nous profitons de l’agitation portuaire. Il y a tellement de sujets à photographier. Les dockers, vêtus d’un gilet orange vif et d’un casque jaune, semblent être des petits bonshommes « playmobil ». Etonnante confrontation de l’architecture urbaine avec les constructions navales, « beauté du bordel ambiant » qui nous imprègne de pays en pays. Nos marins, quant à eux, fréquentent d’autres bordels. Les vidéos qu’ils filment avec leur téléphone portable en témoignent…
Il y a toujours du bruit sur le cargo : le bruit des moteurs, un ronron auquel on s’habitue. Mais il y a les bruits de travaux, de perceuse, de ponceuse, les odeurs de peinture. Par contre, c’est un spectacle permanent de regarder les matelots perchés repeindre le haut de la grue en plein océan.
Ceci n’est pas une croisière de luxe
Nous naviguons sept jours pour traverser l’Océan Atlantique de Dakar à Vitoria au Brésil sans voir de terre. Mais un jour, des jeunes Fous de Bassan nous accompagnent plusieurs heures.
Le 2 juillet à 1h26 du matin nous recevons notre baptême au passage de l’équateur des mains de Poseidon. A une heure du matin nous entendons de l’agitation dans le couloir. Il faut se lever. Les lumières illuminent le pont. La pleine lune nous honore de sa présence. La cérémonie se prépare. Sept seaux bleus sont alignés, remplis d’eau de l’hémisphère Nord où nous sommes encore. A 1h 20 le capitaine sort de la cabine de pilotage, drapé de blanc, il porte une couronne d’argent et brandit un trident qui brille dans la nuit. Il est accompagné de son homologue philippin qui procèdera au baptême d’un marin philippin. Il se présente : Poseidon, dieu de l’océan. Il invite Marion à mettre les pieds dans le seau. Ce n’est pas facile car le seau est étroit et possède dans le fond une forme qui fait mal aux pieds. Elle ressort aussitôt du seau et le tourne pour plus de confort, ce qui étonne Daniel. « Tu verras quand tu devras t’installer dedans avec ton 43 ! » La stabilité est précaire, la bateau tangue un peu…
Poseidon prend la parole, brandit son trident et nous recevons chacun notre nom de baptême : Daniel Cuttlefish (seiche), Marion Octopus (Pieuvre) puis l’eau de l’hémisphère Sud nous tombe dessus par derrière. Poseidon hurle, il trouve le jet trop faible, nous avons droit à de nouvelles gerbes d’eau, plus violentes avec la lance à incendie. L’eau est vraiment très salée, le vent souffle et plaque au corps nos habits trempés. Nous hurlons à chaque trombe d’eau ! Tout le monde rit sur le pont, cela finira par une bagarre d’eau et Poseidon recevra son dû, après son accord !
A chaque escale, plusieurs dizaines de kilomètres avant l’arrivée, c’est un pilote du port qui dirige les manoeuvres sur le cargo. Le pilote monte à bord, en pleine mer. Son petit bateau s’approche lentement des flancs du monstrueux cargo ; au-dessus des flots le valeureux pilote doit s’agripper à une échelle de corde pour pénétrer dans le ventre du Grande America. Le même scénario se répète à la sortie du port. A notre départ de Vitoria, au Brésil, la mer était un peu agitée et la sortie du pilote s’est s’avérée sportive comme on le voit sur la vidéo.
Départ du pilote de Vitoria au Brésil
Ce mois de navigation a passé très vite en compagnie de Luan et Ezechiel, des échanges très enrichissants autour de nos vies si différentes. C’est un autre univers que nous avons découvert. Un huit clos sur un bateau. Un équipage de 30 hommes, disponibles en permanence, pour la navigation ou le déchargement et le chargement, quelque soit l’heure d’arrivée au port, de jour comme de nuit. A l’approche des terres, rite des temps modernes, les smartphones sont de sortie sur le pont, seul lien avec les familles.
Le débarquement en Argentine n’est plus possible aujourd’hui avec la compagnie Grimaldi, passage obligé par l’Uruguay. Nous en profiterons pour rester quelques jours dans ce pays très accueillant.
amri
Bonjour,
Je suis désespéré, je parviens pas à trouver comment réserver des places pour 2 adultes et 2 enfants pour traverser l’atlantique du Brésil jusqu’à l’Afrique par exemple : Sénégal. C’est dans le cadre d’un voyage autour du monde en famille avec un véhicule.
Je vous remercie par avance pour l’aide que vous pourriez m’apporter.
Marion et Daniel
Bonjour,
Nous sommes passés par la compagnie GRIMALDI.
catalina.da.silva@wanadoo.fr
01 45 35 49 88
34, rue Mouffetard
75005 Paris
Bonne préparation de voyage
Marion
Chataing
Bonjour,
Je viens de prendre connaissance de votre reportage seulement maintenant car nous rentrons de vacances en Bretagne. Nous sommes très contents d’avoir de vos nouvelles et de voir que votre traversée s’est très bien déroulée. Lisbonne nous tenterait bien…A bientôt de vous lire.
Annie
Buenos dias,
No sabe exactamente si pudieras leer mi message.
Hoy a medio dia, almuerzo con su madre para celebrar su compleano.
Fuimos à Buis y debejo de las arcadas hemos pasado un buen rato de tiempo.
Durante la comida hemos hablado de su viaje.
Accabo ahora deleer le y encontro las fotos muy bonitas y sobre todo muy artisticas.
Fue encantada con las colores y lo extrano de los angulos de vista.
Voy a seguir les durante su viaje con un vehiculo en mejor estado despues de su acidente.
Ultreai, como se dice a los pelegrinos de Compostella.
Arriba o buen camino.
Annie
MARC
Passionnant
Je suis votre périple avec grand intérêt
Amicalement
Marc
Claire-Lise & Raymond
Bravo pour vos photos et vos commentaires. Nous retrouvons plein d’images et de situations que nous avons connues lors de notre tour du monde en 4 mois. Bonne suite et au plaisir de vous relire.
Voyageur
Comme toujours de superbes photos et qui nous donnent envie de vous suivre …
Anne & Michel
Francine LESOURD
Je me disais bien que nous ne tarderions pas à recevoir de vos nouvelles !
C’est toujours passionnant de vous lire, nous voyageons un peu avec vous.
Continuez à nous faire rêver et bonne route pour d’autres aventures …..
Pacteau Yves
Bonjour Marion et Daniel,
merci pour ce reportage et ces photos toujours magnifiques. Nous attendons la suite avec impatience, continuez à nous faire rêver !
Yves
CATHERINE & PIERRE BETHOUX
Vous venez de nous faire revivre notre traversée de décembre dernier. Très belles photos comme d’hab. Attendons avec impatience la prochaine publication.
Amitié
Catherine et Pierre
David Pierre
Bonjour à tous les deux,
Très belle croisière en effet ! Toujours d’aussi belles photos. Beau voyage en perspective.. Pouvoir voyager avec son véhicule à bord c’est formidable. Vous avez pris l’ancien porte avion Foch à Rio de Janeiro ?
Bonne route et au prochain chapitre !
Pierre David