Nous quittons Erfoud sous un ciel bas, chargé de sable. Le vent souffle sur cette plaine nommée à juste titre « le couloir des tempêtes ». Nous sommes à la recherche de la piste qui doit nous mener à l´Escalier Céleste, la Spirale d’Or et la Cité d´Orion, trois sculptures architecturales gigantesques construites dans le désert. Par prudence, nous nous abriterons du vent de sable derrière le cône de déjection d’une khettara pour passer la nuit.
Le lendemain, grand soleil. Ces khettaras constituent un système d’irrigation souterrain utilisé depuis le XVIéme ou XVIIème siècle dans la région. Les Perses l’utilisaient depuis 3000 ans ; ce savoir-faire a été amené par les Arabes. Depuis la nappe phréatique collectée sur les contreforts de l’Atlas, une galerie est creusée pour amener, par gravité, cette eau dans les zones de culture à 14 km. Tous les 10 à 30 mètres des puits sont creusés pour évacuer la terre lors de la construction et pour l’entretien.
Le niveau de l’eau atteint 50 centimètres et la pente s’incline de 2 centimètres par mètre. Comme cet acheminement est souterrain, il n’y a pas de perte par évaporation et, l’été, un phénomène de condensation se produit la nuit dans la galerie. Les khettaras étaient collectivement construites à la main par les habitants de l’oasis : il fallait 1 an à 10 hommes pour construire 1 kilomètre de galerie, avec des puits de 12 mètres de profondeur espacés de 20 mètres. Les droits d’eau sont proportionnels au travail investi par les familles aux siècles passés pour la construction des khettaras. Au fil du temps, ces droits ont été divisés à la suite des différentes successions. Beaucoup de ces khettaras ne sont plus utilisées aujourd’hui : les nappes phréatiques se sont taries. En effet, il n’est pas possible d’interrompre le débit de ces galeries souterraines lorsque les besoins diminuent, comme en hiver.
Nous descendons dans une khettara, aujourd’hui équipée d’un escalier pour la visite. Il y a quelques années, il fallait descendre par un puits au bout d’une corde !
Des enfants de bergers se sont reconvertis dans le tourisme et font découvrir ce patrimoine. Ils nous indiquent la piste à prendre au milieu des ces khéttaras pour atteindre les sculptures gigantesques de Hannsjörg Voth, artiste allemand (74 ans aujourd’hui). Ces oeuvres se dressent en plein désert dans la plaine de Marha. Elles sont éloignées les unes des autres de quelques kilomètres.
Extrait de l’article « Le Géant d’Erfoud » paru dans le journal « Aujourd’hui le Maroc » en janvier 2004 :
« L’histoire de l’artiste allemand avec le Maroc est le pur fruit d’un hasard mouillé. Le désert, comme l’a souligné l’écrivain espagnol Emmanuel Borja dans son beau texte de présentation, est propice à “l’isolement mystique et à la révélation prophétique“. Cette révélation s’est opérée dans le sud-est du Maroc. Ceux qui aiment les anecdotes apprécieront, sans doute, la façon inopinée dont elle s’est produite. Déçu de n’avoir pas trouvé une terre favorable à ses projets en Espagne, Hannsjörg Voth, a continué son chemin jusqu’au Maroc. Il voulait se reposer. Il a parcouru le sud du Maroc dans un 4 x 4. Un jour, pressé par un besoin impératif, il a arrêté son véhicule dans la région d’Erfoud. Voth ne fait pas partie des hommes qui suivent du regard la chute de leurs urines, lorsqu’ils se tiennent debout. Il préfère laisser son regard se perdre dans l’étendue du paysage. (… ) Grâce lui soit rendue, parce que la face de la région d’Erfoud en a été changée. En regardant le désert, Voth a eu une illumination. Eurêka ! Il a trouvé le cadre dont il rêvait depuis très longtemps pour ses constructions. Des constructions parmi les plus importantes au monde. »
C’est le premier ouvrage de la série. Il est construit par des artisans locaux selon des techniques ancestrales : fondation de pierre et murs de torchis d’une hauteur de 16 mètres. Ce triangle rectangle gigantesque projette au sol une ombre utilisée parfois par les bergers. Seule ombre dans ce désert. Un puits, reproduction d’une khetarra jouxte le monument.
La spirale est construite selon le Nombre d’Or. Une rampe de pierre conduit au sommet de la spirale. Au centre, un escalier en colimaçon pénètre au cœur de l’édifice. Cent marches conduisent au fond d’un puits.
Dernière oeuvre de l’artiste dans la plaine de Marha. Des tours rectangulaires de torchis représentent les sept principales étoiles d’Orion. C’est une des plus belles constellations du ciel dans l’hémisphère nord. Ces étoiles brillantes, facilement visibles, ont inspiré beaucoup de civilisations. Un escalier grimpe au sommet des plus hautes tours. L’une d’elle possède en son sein une pièce où se trouve un puits. Le gardien des lieux nous offre le thé.
Un point commun à ces trois oeuvres : la présence d’un puits, symbole de la survie dans le désert. Est-ce un hommage à l’ingéniosité des khettaras toutes proches, technique inventée par les Perses, il y a 3000 ans ? Les tours de la Cité d’Orion me rappellent les Zigggourats de Babylone qui avaient peut-être la prétention d’atteindre le ciel. Et l’Escalier Céleste ?
Jean DETHIER
Bonjour Marion et Daniel
Comme je suis en phase finale de mise en page d’un livre d’art (à paraître bientôt chez Flammarion) sur les architectures (traditionnelles et contemporaines) en terre crue du monde entier (sous le titre « HABITER LA TERRE « ), je souhaite pouvoir utiliser l’une ou l’autre de vos très belles photos de l »Escalier du ciel » : la splendide oeuvre de « Land Art » bâtie (en pisé) au Maroc par l’artiste allemand Voth (que je connais bien).
Auriez vous la gentillesse de me répondre (au plus tôt) afin qu’on puisse dialoguer à ce propos et préciser ensemble lesquelles de vos photos pourraient être choisies de commun accord .
Merci vivement d’avance : je compte beaucoup sur votre aimable coopération.
Cordialement
Jean Dethier
(architecte à Paris)
Tel 01 42 80 30 01
Marilyne
Bonjour, super article qui me donne très envie de voir ces merveilles de mes yeux ! Je vais au Maroc en mars, et compte bien m’y arrêter. À quel niveau de la route R702 commence la piste ? Vous dites qu’il y a des enfants de bergers qui vous indiquent le chemin, Mary’s où trouver ces guides, sur le bord de la route entre erfoud et tinejdad ? Dernière question combien de temps avez vous pris pour cette visite ? Une journée entière ? Merci beaucoup pour votre réponse ! Et bravo pour votre blog !
Marion et Daniel
Merci pour l’intérêt que vous portez à notre blog. Je ne pourrai pas répondre précisément à votre question car je suis actuellement en voyage en Afrique du Sud et je n’ai pas mes traces GPS dans mon ordinateur de voyage. Dans l’article vous trouverez une carte à déplier en haut à gauche, un point rouge indique l’endroit. La piste se trouve après El Jorf. Nous avions visité une khetarra et les personnes connaissaient très bien l’entrée de la piste. En 2014, la piste nécessitait un 4X4, car il y avait des passages sableux. Aujourd’hui la piste est peut-être indiquée et entretenue. Bon voyage
ROBERT, Michel
Jolies photos, nous venons de faire la visite des trois sites, mais des travaux de rénovation et de protection de ces sites nous ont empêchés d’entrer à l’intérieur. Je profite de votre page pour finir la visite par procuration. Merci
Gandini Jacques
Bonjour
Je suis vraiment en admiration pour la qualité de vos photos…
Je sollicite l’autorisation de mettre un lien, pour cette séquence de vos photos, au départ de mon site, concernant le guide tome 2 de Pistes du Maroc.
Merci !
Bien à vous
Marion et Daniel
Merci pour les compliments. Bien sûr, vous pouvez utiliser le lien de cet article pour votre site.
Maguy
Bonjour
Je connais Erfoud depuis très longtemps et j’ai eu l’occasion de voir ces 3 merveilles en sept 2014. De toute beauté, c’est magnifique.
Blog Voyage Way
Sympa ce billet.
Je suis passé 2 fois à Erfoud mais j’ai zappé ça.
La prochaine fois 😉
Cath et Pete
Encore un reportage plein d’interet et loin des sentiers battus lorsqu’il s’agit de parler d’Erfoud.
Bonne ballade en Islande et à très bientôt