Après une cinquantaine de kilomètres sur une piste caillouteuse très inconfortable, nous atteignons Chinguetti pour la pause déjeuner. Nous traversons l’oued sableux pour nous éloigner de la horde d’enfants que redoute Domenico. Sitôt installés, une magnifique femme arrive, étale ses bijoux sur le sol et attend patiemment…

A Chinguetti le temps s’est arrêté. Cette petite ville endormie, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, se trouve sur le plateau désertique de l’Adrar, dans le centre-ouest de la Mauritanie. Chinguetti, dont le nom chante comme les grains de sable qui partent à l’assaut de ses maisons, est un site incontournable pour qui vient en Mauritanie.
Blottie près de l’erg Ouarane, au carrefour des pistes caravanières, elle lutte au fil des jours contre l’assaut des sables depuis le treizième siècle. Le commerce transsaharien assura longtemps la prospérité de Chinguetti. Elle est considérée comme l’une des sept villes saintes de l’Islam : lieu de rencontre pour les pèlerins qui se rendaient à La Mecque. Elle comptait 20 000 habitants à son apogée. Elle est aujourd’hui célèbre pour ses bibliothèques anciennes, qui abritent une collection inestimable de manuscrits islamiques et de textes anciens.
Les bibliothèques familiales de la ville contenaient 6000 manuscrits sur divers sujets, la théologie, la jurisprudence, la médecine, l’astronomie et la poésie. Beaucoup de ces manuscrits sont écrits en arabe et datent de plusieurs siècles. Les collections ont été transmises de génération en génération, jusqu’à nos jours.
Visiter Chinguetti, c’est donc plonger au cÅ“ur de l’histoire et de la sagesse accumulée au fil des siècles.
La préservation de ces bibliothèques fait face à de nombreux défis, comme les conditions climatiques difficiles du désert qui mettent en péril ces trésors islamiques, et le manque de ressources pour la conservation. Malgré cela, les habitants de Chinguetti continuent de protéger cet héritage. Des initiatives ont été mises en place pour numériser certains manuscrits et sensibiliser le public à leur importance.

Aif el Islam al Ahmed Mahmoud est très théâtral dans sa présentation. De ses mains gantées de coton blanc, il nous présente quelques manuscrits et des photocopies. En réalité les boites sont vides. Il ne veut pas qu’on y touche. Je regarde par le trou : rien. Il n’est pas content. Malgré tout, je soulève une boite à archive sensée contenir un manuscrit : vide. Où sont les manuscrits ? Les manuscrits sont-ils en sécurité ailleurs pour numérisation ? Pourquoi ce mystère ?

Devant la vieille mosquée nous rencontrons un groupe de 4X4 revenant de Ouadane par « la piste blanche » que nous voulons emprunter. Ils nous incitent à partir tout de suite avant que leurs traces ne soient effacées par le vent.
Pour profiter des traces, nous quitterons un peu rapidement cette cité mystérieuse. Chinguetti, ville de pierre et de poussière, à la croisée des chemins, entre l’oubli et la mémoire. Dans cette danse éternelle entre le sable et la pierre, l’âme de Chinguetti perdure, vibrante et vivante.

C’est un véritable jeu de piste pour repérer les traces dans le sable, mais la conduite est aisée…
Nous nous arrêtons à 13 km de Tanoughert, oasis à mi-chemin entre Chinguetti et Ouadane.
Au bivouac, Domenico ne peut pas s’empêcher de faire joujou dans les dunes. Il s’ensable sur une crête, nous sortirons la sangle pour le tracter au lieu de profiter du coucher du soleil tranquillement !
A l’entrée de l’oasis de Tanoughert, nous visitons l’école. L’instituteur nous présente les deux classes. Le mobilier est simple, les élèves silencieux.
A peine sortis, nous sommes alpagués par un Mauritanien qui souhaite aller à Ouadane. Il nous présente un taxi-brousse qui nous servira de guide à travers le dédale de dunes de « la piste blanche » jusqu’à cette nouvelle destination. La rémunération du guide lui paiera son transport ! Nous avons guère le temps d’apprécier cette escapade dans les dunes car il faut suivre le rythme rapide du pickup. Daniel négocie le dénivelé et moi je repère le pickup souvent caché derrière une dune.
Pour désensabler, point besoin de sortir les plaques, la méthode locale est plus rapide : vous ramassez quelques brassées d’herbe à chameaux que vous disposez sous les roues. Encore faut-il qu’il en pousse là où vous vous plantez !
Ouadane, ville du XIIème siècle accrochée à la falaise, fut la première ville mauritanienne à planter des palmiers-dattiers, plantation bien maigrichonne aujourd’hui…
Ouadane a prospéré grâce à son emplacement stratégique sur les routes caravanières reliant le Maghreb à l’Afrique subsaharienne. Cette position en a fait un centre essentiel pour le commerce de l’or, du sel et d’autres marchandises précieuses. Elle fut la plus grande ville de l’Adrar.
Aujourd’hui, Ouadane est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce qui contribue à sa préservation et à son développement en tant que destination touristique. Les visiteurs peuvent explorer ses ruines historiques, découvrir la culture locale et apprécier les paysages désertiques environnants. Malgré son déclin économique et sa population réduite, Ouadane demeure un symbole de l’héritage culturel mauritanien et un témoignage de l’histoire fascinante des échanges transsahariens.
Il était prévu que nous rentrions à Atar après Ouadane, où Véronique et Stéphane nous attendent, mais j’ai très envie de pousser jusqu’à El Beyyed.

EL Beyyed est un site exceptionnel, encore largement préservé. Il témoigne d’une présence humaine très ancienne, remontant à des millénaires. Les paysages arides et majestueux cachent un véritable musée à ciel ouvert, riche en gravures rupestres et outils lithiques. Nous contournerons le Guelb er Richât, « l’oeil de l’Afrique », trop accidenté, par un plateau très caillouteux.
Nous surplombons le cirque de El Beyyed que nous atteindrons par la Passe Aghmakoum piste bien raide.

Le village d’El Beyyed dans la vallée de l’oued Melha est un site préhistorique majeur où l’on trouve l’un des plus grands champs de bifaces au monde, connu depuis 1932 grâce à Théodore Monod. De nombreux objets présentés au Musée de l’Homme à Paris provienne d’El Beyyed.
Ici un modeste musée rassemble bifaces et différents outils préhistoriques que préserve Yeslem Ould Bouailla. Yeslem est un conteur, il évoque sa rencontre avec Théodore Monod.
« Dans le site d’El Beyyed, au piémont nord du plateau de Chinguetti, l’outillage paléolithique est d’une incroyable abondance. C’est la preuve que ces lieux, aujourd’hui pratiquement vides d’habitants, ont été jadis peuplés par des groupes humains relativement importants et ceci sur une longue durée. L’absence de terre et de végétation à la surface du sol explique aussi qu’on puisse y découvrir facilement ces outils en aussi grand nombre. »
Bruno Lecoquierre, Professeur des Universités, Université du Havre – UMR IDEES (CNRS)
A notre passage l’école est vide d’enfant et de matériel. C’est dimanche. Nous sommes au bout du monde. Un poste de radio rudimentaire permet de joindre la civilisation si nécessaire. Atar est à 240 km de piste.
Nous nous attardons dans la famille de Yeslem autour d’un thé, mais la piste est longue jusqu’à Atar que nous atteindrons à la nuit tombée.
Christiane MARGAND
C’est toujours avec un immense plaisir que je vous lis et que je découvre les endroits incroyables que vous traversez. Vos images sont, comme d’hab, magnifiques et les propos qui les accompagnent sont, à mon sens, un véritable enrichissement culturel et humain.
Continuez à nous faire partager votre passion du voyage tel que vous le concevez. Merci.
Francine LESOURD
Heureuse d’avoir de vos nouvelles et de vous lire. Merci merci pour vos photos et commentaires qui
ravivent en moi tous ces endroits magiques découverts ces dernières années.
Continuez de nous émerveiller… Amitiés
françoise leroulley
S’il fallait écrire tous les compliments que je voudrais faire, la place manquerait!!!! C’estvrai, votre reportage m’a passionnée. Culture et paysage s’entremêlent et me ravissent. Piste spectaculaire parfois, vs trouve bien courageux…. mais ne suis pas étonnée!! Bravo de faire partager ttes ces merveilles. Toute ma tendresse. Sanfroise