Colombie 2017

Féérie du páramo de Oceta

Avril 2017

Un lieu qui semble hors du temps, de l’autre côté du rideau de brume…

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Le páramo de OcetaPhoto : Marion

Le páramo est un biotope rare sur la planète. Il se situe de part et d’autre de la ligne de l’équateur à des altitudes comprises entre 3000m et 4500m, entre les forêts des nuages et les glaciers. 60 % des terres de la planète recouvertes par le páramo se retrouvent en Colombie.

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Frailejon gris en fleur sur le páramo de OcetaPhoto : Marion

La plante emblématique de ces paysages est le « Frailejon Â» (Espeletia) que l’on ne rencontre que dans les Andes. Nous avions découvert la beauté de cette plante, gigantesque artichaut de velours gris, sur un blog, qui recommandait vivement Maria comme guide.

Nous contactons Maria par WhatsApp, pour s’assurer de sa disponibilité et la retrouverons la veille de la randonnée à Monguí, dans la région de Boyaca au nord de Bogota. Cette région recèle des villages magnifiques, que nous visiterons à l’occasion de cette randonnée (Iza, réputée pour ses desserts et Tibasosa), et le plus grand lac de Colombie, le Lago de Tota, dont les eaux sont alimentées par le páramo de Oceta.

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Ruelle de Mongui dans la région de BoyacaPhoto : Marion

Le páramo se caractérise par un climat rude, humide et froid, un sol tourbeux, des plantes recouvertes d’un duvet qui capte l’humidité de l’air. Des lichens argentés chevelus pendent des branches. Des mousses recouvrent les arbustes rabougris. Bref, tout ruisselle, surtout qu’il pleut, ce samedi où nous avions rendez-vous avec Maria pour cette randonnée de 8 heures, jusqu’à plus de 4000 m d’altitude. Maria a troqué ses chaussures de montagne de la veille pour des bottes en caoutchouc. Nous comprenons rapidement pourquoi ! Au bout d’un heure de rando, nous pataugeons dans nos chaussures.

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Chaudement harnachés pour affronter les intempéries du páramo de OcetaPhoto : Maria, notre guide muisca

Il n’y a pas de chemin, nous traversons, ruisseaux et prairies escarpées. L’eau coule de partout, nos capes de pluie ne nous protègent plus. A cause du vent froid, nous portons des gants qui regorgent d’eau comme nos chaussures. Quand nous nous agrippons aux branches, pour ne pas glisser, Ils s’imprègnent du parfum de la mousse. Quel plaisir nous direz-vous ?

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Frailejon jaunePhoto : Daniel

L’atmosphère magique des silhouettes fantasmagoriques des frailejones, à travers la brume, nous envoûtent. On les nomme ainsi car, dans les brumes perpétuelles du páramo, leurs silhouettes, hautes jusqu’à 3 m, ressemblent aux postures de moines gris priant dans une procession. Il croît chaque année d’à peine un centimètre, ajoutant une couronne de feuilles argentées ou jaunes. Les poils, qui les recouvrent, captent la moindre lumière et leur donne un aspect phosphorescent. Son tronc souple mais solide est constitué par les anciennes couronnes qui continuent à capter l’eau. Les spécimens que nous croisons, ont plus de 200 ans. Malheureusement, sous cette pluie, nos appareils restent au fond du sac jusqu’en début d’après midi.

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Maria, notre guide et MarionPhoto : Daniel

Avec ses feuilles velues, le frailejon, retient l’eau de pluie et régule le flux des cours d’eau par un goutte à goutte naturel. Le páramo est la réserve d’eau de Bogota, tout comme le ferait un glacier. Le Frailejon ne se contente pas d’approvisionner la région en eau, mais maintient également l’acidité du sol à des conditions optimales, et procure la fraîcheur nécessaire à la culture des petits pois et des pommes de terre.

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Pause déjeuner, à l’abri d’un surplomb rocheux. Maria s’endortPhoto : Marion

Il fait très froid ce jour là, le pire froid de l’année, nous dit Maria. A la pause déjeuner, à l’abri de la pluie sous un surplomb rocheux, elle enfile un sac plastique sous sa parka, pour retenir la chaleur de son corps. Elle change le papier journal dans ses bottes, qu’elle porte sans chaussettes, puis elle s’endort. Le vent forcit, les nuages nous encerclent, nous n’irons pas jusqu’à la crête d’où la vue sur la Laguna Negra est spectaculaire, mais Maria nous fera visiter les tombes de ses ancêtres muiscas.

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Ancienne nécropole muisca dans le páramo de OcetaPhoto : Daniel

Nous descendons dans une faille escarpée, glissante.

Maria nous raconte l’histoire de la Terre. Selon le peuple muisca, lorsque le Soleil et la Lune se sont percutés, les plantes, les animaux et les hommes ont été créés. Des entrailles de la terre sortirent les êtres humains. C’est pourquoi, pour leur dernière demeure, ils creusaient des cavités en hauteur dans des failles du páramo de Oceta. Les momies muiscas étaient placées, en position foetale, dans ces creux en forme de demi-oeuf ou d’utérus, entourées de leurs parures en or.

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Ancienne sépulture muisca dans le páramo de Oceta, utilisée jusqu’à l’arrivée des conquistadorsPhoto : Marion

A la sortie de cette faille, nous nous faufilons à travers un buisson pour remonter à la surface. Je me retourne aussitôt et ne vois pas du tout d’où je suis sortie…

Au début de la Conquête, les Espagnols croisèrent les Muiscas, peuple pacifique, et s’aperçurent qu’ils avaient accès à de grande quantité d’or. En moins d’un an, 3 expéditions explorent le territoire des Muiscas et leur réclament, à chaque fois, de l’or en échange de la promesse de leur départ. Mais, les Espagnols ne tiennent pas parole. De plus, ils pillent les momies et les bijoux de ces tombes muiscas et finissent par leur confisquer leur territoire.

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Radeau d’or muisca du Musée de l’Or de Bogotá. Il fut fabriqué entre 1200 et 1500 après J-C. Il a été fondu en une seule pièce, grâce à la technique de la cire perdue, dans un moule en argile.Photo : Daniel

Maria nous confit sa rancoeur contre les Espagnols, qui ont construit, dit-elle, le pont et l’église de Monguí, sa ville natale, avec le sang de son peuple. Les Espagnols auraient fabriqué le mortier pour ces constructions avec un mélange de chaux, de blancs d’oeuf et du sang. Comme il n’y avait pas de troupeau à leur arrivée et très peu de faune pour leur procurer le sang nécessaire à la composition, « où trouver du sang, nous dit-elle, chez les indigènes ! »

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Eglise de MonguiPhoto : Marion

Aujourd’hui, le peuple muisca n’est pas reconnu par le gouvernement colombien. « Il nous appelle Campesinos, paysans, pour que nous ne réclamions pas nos terres confisquées, dont fait parti le páramo de Oceta Â». Maria espère que les Muiscas s’organiseront pour faire valoir leurs droits. « Avec les analyses d’ADN, nous pourrons prouver que, dans nos veines, ne coule pas de sang espagnol. » Elle nous décrit les caractéristiques physiques du peuple muisca. Et c’est vrai que Maria ressemble énormément aux masques en or muiscas qu’expose le Musée de l’Or de Bogota, que nous avons visité la semaine précédente.

 

  1. Dallemagne

    Je pars dans 15 jours et souhaiterais Prendre Maria comme guide pouvez-vous me dire combien il vous appris pour la journée merci beaucoup helene

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    • Marion et Daniel

      Bonjour,
      Nous avions payé 22 € pour la journée pour 2 personnes. Vous pouvez la joindre sur WhatsApp :
      00 57 313 4798 492.
      Suerte

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    • Marion et Daniel

      Holla,
      Muchas gracias.
      Donde están ?
      Estamos al norte del Chili a Putre y vamos a visitar los parques de Lauca y Isluga y el salar de Surire. Después Bolivia y norte de Argentina. Buen Viaje

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  2. Josiane et Bruno

    Que de dépaysements,on se croirait sur une autre planète,et vous nous envoyez un peu de fraîcheur ,car ici il fait très chaud.
    Merci encore pour ces belles vues et vos commentaires toujours passionnants.
    Grosses bises de Loches.
    Josiane et Bruno

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  3. lelong

    Humide mais grandiose !!!! La végétation, les sépultures, les fresques , les pâtisseries ! On s’y croirait … Merci ! Seul point commun avec nous : les lupins !!! bises un peu moins caniculaires depuis hier…

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  4. Michel Davin

    Superbe tant pour le texte que pour les photos… dommage que vous n’ayez pas pu terminer votre randonnée.
    Question : Le peuple Muisca a t’il une quelconque relation avec les peuples andins tels les Quechuas (Pérou) ou Aymaras (Bolivie)?

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    • Marion et Daniel

      Question difficile…
      Tous ces peuples ont des ancêtres communs, venus de l’Asie par le détroit de Béring, qui sont arrivés en Amérique du Sud il y a 20 000 ans. Les Muiscas descendent de ceux qui se sont fixés au nord du continent, les autres ont continué leur migration vers le sud.
      D’après Wikipédia, les Quechas seraient « principalement localisés dans les régions andines du Pérou, de la Bolivie, et de l’Équateur (où ils sont appelés Kichwas), on en rencontre également des représentants au sud de la Colombie (appelés Ingas), ainsi qu’au nord de l’Argentine et du Chili, ce qui correspond à l’aire d’extension maximale de l’Empire Inca dont le Quechua était la langue véhiculaire »
      Merci pour vos compliments

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